En lutte pour et contre les moulins

27.11.2020 — «C’est surtout la conviction qu’il s’agit d’une très bonne technologie qui fait exactement ce que l’on attend de la production d’électricité.»

 

Les deux conseillères nationales Isabelle Chevalley (PVL) et Priska Wismer-Felder (PDC) dirigent l’association «Suisse Eole» pour la promotion de l’énergie éolienne, respectivement en qualité de présidente et de vice-présidente. Dans un entretien accordé à «BKW Insights», elles expliquent l’importance de l’énergie éolienne pour l’avenir énergétique et pour la sécurité d’approvisionnement en Suisse et énumèrent les obstacles qui se dressent sur leur route.

Vous vous engagez toutes les deux en faveur de l’énergie éolienne depuis plusieurs années. Qu’est-ce qui vous y a poussées?

Priska Wismer-Felder: L’engagement personnel concret. Lorsque nous avons mis en place une installation photovoltaïque (PV) dans notre ferme, nous avons rapidement remarqué que nous ne produisions pas de courant la nuit et peu l’hiver. Nous avons finalement lancé notre propre projet d’énergie éolienne.

Isabelle Chevalley: Quand on est contre l’énergie nucléaire, il faut défendre un mélange d’énergies renouvelables. Beaucoup s’engagent pour l’énergie solaire, et peu pour l’énergie éolienne. Pour moi, la complémentarité de toutes les énergies est vitale pour la sécurité d’approvisionnement de notre pays.
 

L’énergie éolienne fournit en permanence de l’électricité à la Suisse, près de 60% de la production annuelle ayant lieu en hiver. Quel rôle voyez-vous pour la sécurité d’approvisionnement?

PW: Un rôle important. En effet, chaque kilowattheure que nous produisons lorsque nous en avons réellement besoin est le moins cher qui soit. Il est très important que le mix énergétique suisse soit aussi large que possible et que les énergies se complètent.

IC: Nous avons un vrai problème en hiver. Il serait très onéreux de couvrir nos besoins énergétiques en hiver uniquement avec le photovoltaïque et nous aurions besoin d’énormes capacités de stockage. Il nous faut donc une production complémentaire qui doit obligatoirement passer par l’énergie éolienne.
 

Fin 2019, la production suisse de courant éolien s’élevait à environ 0,14 TWh. La stratégie énergétique prévoit une hausse pour faire passer ce chiffre à 4,3 TWh par an d’ici à 2050. Cet objectif est-il réaliste?

IC: Il est non seulement réaliste, mais nous sommes bien plus ambitieux. Suisse Eole vise 9 TWh, dont 6 TWh en hiver. Nous avons effectué ces calculs sur la base des projets qui sont en cours de préparation en Suisse. Nous avons constaté que nous aurions déjà atteint les objectifs intermédiaires fixés par le Conseil fédéral si toutes ces oppositions n’existaient pas. C’est donc possible, mais il faut du temps. En politique, j’ai appris deux choses qui sont également très importantes pour l’énergie éolienne: la patience et la présérvance! (rires)
 

Vous avez abordé le problème des procédures d’approbation qui s’éternisent en Suisse, entre 10 et 15 ans en moyenne. Comment réduire ces longues durées?

IC: J’ai déposé un postulat qui a été accepté par le Parlement, afin de trouver des solutions pour améliorer et écourter ces procédures. Pour l’énergie éolienne, on propose par exemple d’examiner en même temps le plan d'affectation et le permis de construire. Nous devons trouver des solutions pour progresser plus rapidement.

PW: Il importe également que les différentes instances tirent dans la même direction. Malheureusement, on ne cesse de constater que toutes les instances ne participent pas à l’effort bien que la stratégie ait déjà été fixée par la Confédération. Nous aimerions que l’administration nous soutienne plus, notamment en ce qui concerne les permis.
 

La CEATE-N a déposé une motion demandant l’élaboration des bases juridiques nécessaires pour une planification positive de sites potentiels d’intérêt national de production d’énergies renouvelables. Cette motion pourrait-elle donner un coup de pouce à l’énergie éolienne?

PW: Oui, pour moi cette motion constitue une opportunité d’aligner les différentes opinions au sein des instances. La commission l’a également soutenue. Des bases solides pourraient être jetées grâce à la demande de révision de la loi. Les instances doivent maintenant surmonter leurs dissensions pour avancer. La réponse du Conseil fédéral montrera clairement à quel point il prend ce sujet au sérieux.
 

Qu’est-ce qui rend l’énergie éolienne attractive pour les investisseurs en Suisse malgré les longues procédures d’autorisation et les éventuelles votations populaires?

PW: C’est surtout la conviction qu’il s’agit d’une très bonne technologie qui fait exactement ce que l’on attend de la production d’électricité. Je suis également confortée par le fait que d’autres pays y sont parvenus, mieux que nous. Nous, les Suisses, avons parfois besoin d’un peu de temps. (rires) Mais nous ne pourrons nous passer de l’énergie éolienne. Il n’y a pas d’alternative.

IC: Nos ancêtres nous ont légué des lacs de retenue tels que le barrage de Verbois, construit pendant la Seconde guerre mondiale. Aujourd’hui, notre tâche consiste à transmettre notre contribution aux générations futures. Nous sommes contents de profiter des barrages aujourd’hui, mais qu’avons-nous fait depuis? Nous ne devons pas nous arrêter, nous devons nous battre. Et bravo à ceux qui investissent, c’est courageux!

Engagement de BKW dans l’éolien

BKW est une entreprise pionnière de l’énergie éolienne en Suisse. A l’heure actuelle, elle fournit environ 40% de la totalité de l’électricité d’origine éolienne produite en Suisse. Dans le cadre de ses projets éoliens, BKW mise sur l’engagement actif des communes pour gérer son parc et les soutient à long terme. Elle diffuse également des informations et sensibilise le grand public aux technologies éoliennes et photovoltaïques (Espace découverte avec la centrale éolienne Juvent et la centrale solaire de Mont-Soleil). En tant que membre de Suisse Eole, l’amélioration et l’abrègement des procédures d’autorisation revêtent également beaucoup d’importance pour BKW. Comme elle l’a indiqué dans sa réponse à la procédure de consultation sur la révision de la LApEl et sur la révision de la LEne, elle estime que des mesures spécifiques sont nécessaires dans le but de renforcer la sécurité d’approvisionnement suisse en hiver – dans le domaine de l’électricité d’origine éolienne ou pour d’autres technologies adaptées.

 

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