«La faillite d’un fournisseur d’énergie doit rester possible»

Les prix de l’électricité se sont stabilisés et le mécanisme de sauve-tage, qui était mis en place à l'automne 2022, arrivera à son terme à la fin 2026. Faut-il une nouvelle réglementation pour le remplacer? Quelle forme devrait-elle prendre et de quoi devrait-elle impérativement tenir compte? Martin Zwyssig, CFO de BKW, nous répond dans cet entretien. Il explique en outre l’importance de la sécurité juridique, par exemple concernant le coût moyen pondéré du capital (WACC).

La crise énergétique semble loin derrière nous. Quelle est la situation à la bourse de l’électricité aujourd’hui par rapport à l’automne/hiver 2022?

Les prix de l’électricité ont retrouvé des niveaux normaux, même s’ils restent plus élevés qu’avant la crise énergétique. Les limites fixées par notre gestion des risques interne sont clairement respectées pour le moment. Néanmoins, nous continuons à observer une très forte volatilité des prix de l’électricité.

Faut-il alors une nouvelle réglementation qui succéderait au mécanisme de sauvetage? Le risque de manque de liquidités, tel que nous l’avons vu pendant la crise, continue-t-il d’exister?

Faut-il s’attendre à ce qu’une telle crise se reproduise? On ne le sait pas. Nous n’avions pas non plus anticipé la crise d’il y a deux ans. Cependant, même à cette époque, BKW a toujours été en mesure d’honorer ses appels de marge, c’est-à-dire les exigences de liquidités de la bourse. Grâce à son excellente gestion des risques, BKW n’a pas eu de problèmes de liquidités. Dès novembre 2022, nous avions signé une nouvelle facilité de crédit de 1,5 milliard de francs suisses à titre d’aide de trésorerie, que nous n’avons jamais utilisée. De même, BKW n’a jamais eu besoin de faire appel au soutien de la Confédération.

BKW estime néanmoins qu’il est pertinent d’inscrire dans un cadre légal réglementé le mécanisme de sauvetage qui avait été élaboré et introduit sous la forme d’une loi fédérale urgente pendant la crise. Cela comprend aussi bien les obligations de reporting que les règles relatives aux liquidités. Le premier point est déjà débattu au sein du Parlement avec la loi fédérale sur la surveillance et la transparence des marchés de gros de l’énergie LSTE et est soutenu par BKW. Il est essentiel que les obligations de reporting et l’utilisation des données soient clairement définies et conformes aux directives européennes.

Le Conseil fédéral propose d’introduire des prescriptions en matière de liquidités et de fonds propres. Qu’en pense BKW?

Comme nous l’avons déjà mentionné, nous soutenons la mise en place d’une réglementation succédant au mécanisme de sauvetage. Elle devrait se concentrer sur l’essentiel. Lors de la crise énergétique, le secteur a rencontré un problème de liquidités qui doit être pris en compte. Les liquidités constituent une problématique à court terme. Aussi rentable qu’elle soit, une entreprise qui en manque se retrouve dans l’impasse. C’est là que la nouvelle loi intervient à juste titre en réglementant les liquidités et la gouvernance.

La réglementation étatique ne doit toutefois pas remplacer une gestion efficace des risques et des liquidités des entreprises. Sinon, les entreprises perdent la compétence de gérer elles-mêmes les risques de liquidité.

Martin Zwyssig est assis sur une chaise rose derrière une petite table ronde. Il pose un bras sur le dossier de la chaise et regarde la caméra en souriant.

Et les exigences de fonds propres, telles que nous les connaissons dans le secteur bancaire, ne sont-elles pas nécessaires?

Non, car contrairement aux objectifs de liquidités, les exigences de fonds propres s’attaquent à une problématique à long terme. Si une entreprise manque de fonds propres, cela témoigne d’un problème structurel et non d’une crise passagère. Et il n’appartient pas à l’État d’empêcher un tel problème structurel. La faillite d’un fournisseur d’électricité doit rester possible. Elle n’aurait aucun impact sur la sécurité d’approvisionnement, sachant que, dans un tel cas, les installations de production conserveraient leur valeur et continueraient de produire même en cas de faillite.

Par conséquent, la réglementation doit être axée sur les risques afin de remplir son objectif et d’améliorer la sécurité d’approvisionnement. Son but doit donc être d’empêcher un manque de liquidités et non les faillites. Afin d’éviter un manque de liquidités, les exigences de fonds propres ne sont pas le bon moyen. C’est pourquoi nous nous opposons à une telle réglementation.

«Le problème à très court terme des pénuries de liquidités ne peut pas être résolu par des prescriptions en matière de fonds propres.»
Martin Zwyssig, CFO der BKW

Pourquoi BKW insiste-t-elle, dans sa prise de position dans le cadre de la procédure de consultation, sur le fait que seule la société BKW Energie SA et non BKW SA dans son ensemble soit considérée comme d’importance systémique?

Il est essentiel que seule BKW Energie SA soit soumise à la loi. En effet, des dispositions aussi étendues que celles prévues par le Conseil fédéral en remplacement du mécanisme de sauvetage doivent être limitées aux domaines susceptibles de poser un problème. La loi encadre un risque dans le secteur de l’énergie, c’est pourquoi elle doit être limitée à BKW Energie SA. Le champ des activités de BKW SA va au-delà de l’énergie et comprend également une vaste offre de services dans le domaine du bâtiment et des infrastructures. Si le dispositif réglementaire s’appliquait à BKW SA, les activités de services de BKW seraient également concernées, bien qu’elles n’aient rien à voir avec le marché de l’électricité. Ce n’est pas le but. Nous estimons que le législateur doit apporter des précisions sur ce point.

Passons à une autre modification de la réglementation prévue par les instances politiques: l’adaptation du WACC du réseau. Le WACC est la rémunération du capital engagé dans le réseau électrique.

Pourquoi est-ce nécessaire de définir le WACC? Dans quelle mesure BKW serait-elle concernée par la baisse du WACC proposée par le Conseil fédéral?

En définissant le WACC, le législateur crée les conditions-cadres permettant aux gestionnaires de réseau de réaliser un bénéfice d’exploitation raisonnable. La méthode de calcul et donc le taux du WACC est déterminé par des considérations politiques et définit la rémunération du capital investi par BKW dans le réseau électrique. Si le WACC baisse comme proposé, BKW devra composer avec une sortie nette de capitaux du secteur d’activité réseaux jusqu’en 2030 et au-delà. Dans ces conditions, d’importants investissements dans le réseau électrique seraient menacés.

Qu’est-ce que le WACC?

Pour le capital investi dans les réseaux électriques actuels ou devant l’être dans de nouveaux réseaux, les exploitants peuvent prétendre à des intérêts. Ces intérêts sont destinés à compenser de manière appropriée les risques réglementaires et politiques du capital immobilisé dans le réseau électrique. Leur taux est fixé par les autorités à un coût moyen pondéré du capital calculé (CMPC ou, en anglais, WACC pour Weighted Average Cost of Capital).

Pour 2025, le WACC s’élève à 3,98% pour les réseaux. Le 14 juin 2024, le Conseil fédéral a lancé une procédure de consultation sur l’adaptation du WACC. Il propose d’ajuster la méthodologie qui doit être appliquée à partir de l’année tarifaire 2026. Cette évolution aurait entraîné une baisse du WACC 2025 de 3,98% à 3,41%.

Dans ces circonstances, BKW arrêterait-elle d’investir dans l’entretien et le développement de son réseau électrique?

Si, nous sommes investis d’une mission légale consistant à exploiter un réseau électrique sûr, performant et stable. Les sommes qui manqueraient du fait de la baisse du WACC devraient toutefois être financées par des tiers, et les bailleurs de fonds attendent également un taux d’intérêt approprié. Avec un WACC trop bas, les investissements dans le réseau électrique seraient menacés, car la question de savoir qui les financerait se poserait à moyen et long terme. C’est pourquoi un WACC approprié et stable à long terme est décisif pour les investissements dans le réseau électrique.

Pourquoi un WACC stable à long terme est-il si important?

Chaque année, environ 1,5 milliard de francs suisses sont investis dans les réseaux électriques du pays, dont près de 90% dans le réseau de distribution. La durée de vie de l’infrastructure réseau est de 40 ans en moyenne. Ces longs cycles de vie exigent des conditions-cadres stables et fiables pour les investisseurs.

De plus, les besoins d’investissement ne cesseront de croître à l’avenir. La transition énergétique entraîne une inversion du système de l’électricité. Désormais, nous ne produisons plus de l’énergie de manière centralisée afin de la distribuer, mais nous produisons et consommons l’électricité de manière décentralisée. Cette adaptation doit principalement se faire au niveau des quartiers et entraîne un énorme besoin d’investissement dans le réseau de distribution. Concrètement, cela signifie que nous devrons encore renforcer nos investissements dans les réseaux électriques à l’avenir. Une baisse du WACC , qui met en danger les investissements nécessaires dans le réseau électrique, irait clairement dans le mauvais sens. Elle freinerait même la transition énergétique et mettrait en péril la sécurité d’approvisionnement. En effet, avec une baisse du WACC, les investissements dans la transformation urgente du réseau électrique perdent en attractivité.

L'image montre le Palais fédéral au crépuscule.
  • Vous trouverez ici la prise de position de BKW sur la modification de la loi sur l'approvisionnement en électricité (exigence concernant les entreprises d'importance systémique). En allemande.

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